Les disparus


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    Elle ne reviendra plus, la domestique, qui a pris congé précipitamment quelques jours avant Pâques. Prétextant qu’elle devait aller à la campagne parce qu’elle n’avait plus de quoi vivre dans la grande ville, et que tout fermait l’un après l’autre. Le confinement a détruit tout ce qui était possible de détruire, mais elle a détruit la pauvreté pour la plonger dans la misère la plus extrême.

    Et cela pose des problèmes, car les sociétés modernes se sont progressivement mutés comme l’Ancien Empire, le roi, les courtisans et les esclaves. Dans ces derniers, une partie n’existe pas, sur aucun papier, sur aucun registre, sur aucun tableau. Ce sont des ombres, naissant au milieu de nul part, dans une cabane en terre cuite ou dans un appartement miteux d’un immeublement populairement pauvre.

    Ils grandissent comme des parasites, non comme ceux qui portent des costards ou qui possèdent une plume, éructant leur haine des pauvres à longueur de journée. Des parasites comme des poisson-pilotes ou des oiseaux picoreurs sur le dos des rhinos. Ils vivent à la croisée des mondes, entre le clandestin, l’invisible et l’éthéré. On ne les découvre que rarement et leur mort est aussi fugace et aussi insignifiante que le premier client d’une prostituée un soir de disette.

    Ils vivent de petits boulots, laver le linge, nettoyer ma porcherie, garder tes enfans pendant que tu fais le beau dans un bureau. Ils sont des petites mains, sur lesquelles tu glisse un billet, mais qui n’ont pas de corps ou de tête. Juste des visages quelconques sur lesquels tu gueule, car elle a chapardé un peu de nourriture, car elle crevait de faim, à force de trimer pour des crevards dans notre genre.

    Nous ne les voyons pas, dans notre gros et beau manuel de théories politiques, d’essais pour changer le monde, de révolution pour prendre la place des serviles, car on l’est tout autant. Mais dans les sociétés modernes, ils représentent une épine dorsale bien osseuse et bien solide. Quand elle n’est plus là, car les disparus sont rentrés dans des trous inavouables et loin de nos yeux baignés du soleil capitaliste, la société tangue, se balance, cherche des petites mains, mais ne les trouvent pas. Personne ne veut nettoyer les crottes que t’as laissé derrière ou que t’as ramené du bureau.

    Coup de sifflet, tout le monde sort, doit sortir, pour recommencer à bosser. Mais croient-ils que nous sommes des chiens qui obéissent au sifflet. Croient-ils qu’on ait envie de sortir, après 3 mois de matraquage phobique, via des prostitués avec leurs plumes qui ont constamment déversé leurs haines sur les pauvres et sur les pleurnichards comme le dirait le plus gangrené d’entre eux.

    L’été sera morne et triste. Comme un vieux moteur, rouillé depuis 50 ans, on essait de pousser sur la manivelle pour qu’elle tourne, mais elle ne veut pas. Le moteur est trop peureux pour faire quoi ce que soit et trop en colère pour en avoir envie. Il faut que ça reparte, mettez les bikinis, les donzelles, pour vous dorer sur les plages vides, mettez vos maillots bien membrés, les damoiseaux, pour manger des glaces et lécher des pointes de glace comme il faut. Mais les terrasses sont vides, les cafés sont tristes comme un chanteur de soul.

    De nombreux batiments restent fermés, ils ne rouvriront pas. Le mince fil de survie, s’est cassé. Le petit commerce est mort avec 3 balles dans la tête et ce n’est pas quelques piécettes d’indemnité qui vont changer quelque chose. L’été est l’année entière pour les cafés, les hotels et les petits commerces. S’il n’y a plus l’été plein à craquer, alors les caisses et les âmes sont vides de desespoir. Autant dire que l’avenir sera sombre. On va faire semblant de dire que tout va bien, on va s’empiffrer comme des porcs et boire comme des truies. Baiser comme des lapins et rire comme des crécelles. Faussement, forcé et à contre-coeur, car les prostitués à plume et à costard nous ont aspiré comme des sangsues dans la mare bien nauséabonde de leurs esprits.

    Houssen Moshinaly

    Rédacteur web depuis 2009 et webmestre depuis 2011. Je suis également un blogueur dans la vulgarisation scientifique et la culture.

    Je m'intéresse à tous les sujets comme la politique, la culture, la géopolitique, l'économie ou la technologie. Toute information permettant d'éclairer mon esprit et donc, le vôtre, dans un monde obscur et à la dérive. Je suis l'auteur de deux livres "Le Basilic de Roko" et "Le Déclin".

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