Décembre est le pire mois pour les pauvres


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    Tous les mois sont difficiles pour les pauvres puisque dans la société actuelle, la fin du mois ne commencent pas le 2, elle a commencé avant même qu’on ne reçoit sa paye si on a la chance d’en avoir. Le pauvre doit travailler 30 jours sans relâche du matin au soir pour avoir de quoi survivre. Mais décembre est différent, car la majorité se casse en vacance dès le 15 et donc, il se retrouve avec la moitié du mois pour faire le plein et comme tout le monde se soucie de ses dépenses personnelles pour s’empiffrer la panse plutôt que de donner du travail, alors le pauvre est deux fois plus pauvre pendant le mois de décembre.

    Cela fait deux ans de suite que je passe les fêtes quasiment le ventre vide, je ne me plains pas, ce n’est pas le genre de la maison. Mais c’est effarant que malgré que je n’ai pas pris de vacances depuis 12 ans, que je travaille tous les jours, je n’arrive pas à avoir un mois tranquille où je n’ai pas besoin de m’angoisser des nuits entières pour payer le loyer et la bouffe.

    Une autre raison pour laquelle le mois de décembre est le pire pour les pauvres est le contraste avec le faste, les festins et le fait de s’enivrer comme des porcs pour fêter la naissance du Christ, c’est une drôle de façon d’accueillir le divin enfant. Pour le pauvre, c’est encore plus insupportable, car on lui met des tonnes de bonnes choses sous le nez alors qu’il a le ventre vide.

    En 2022, la population malgache a eu un Noel de merde et 2023 n’a pas échappé à la règle. Ceux qui sont partis dès le 15, ne l’ont pas fait parce qu’ils avaient les poches remplis de billets, c’est qu’ils voulaient fuir l’atmosphère étouffante de la ville par tous les moyens. Aujourd’hui, la capitale est devenu un chaudron bouillonnant, infernal, une cave où les tourments se mêlent aux plaisirs, les corps et les âmes sont déchirés sont repos et dès qu’on a une chance de partir, alors on prend ses jambes à son cou.

    Au delà de la pauvreté, on a surtout une inégalité croissante. C’est quelque chose que j’avais déjà remarqué en été 2023 où vous aviez des gens qui montraient des vacances paradisiaques. Quand une femme vous dit qu’elle a eu un budget de 7 millions d’ar pour 5 jours de vacances, je me demande quel filon d’or a-t-elle trouvé parce que moi, c’est même pas mon revenu annuel. La capitale s’inégalise de plus en plus et va progressivement devenir l’équivalent des capitales occidentales dans le mauvais sens du terme. Les natifs vont devoir se barrer à cause des loyers toujours en hausse avec une spéculation immobilière constante et une ville qui est juste trop chère pour ces natifs. De même que quand on regarde la maquette de Tanamasoandro, c’est une ville d’expats pour les expats, alors Tana prend aussi ce chemin.

    Cette inégalité s’explique aussi parce que beaucoup de gens ont choisis l’immigration comme mode économique. Les fils et les filles sont à l’étranger et ils envoient régulièrement de l’argent à leur famille restée au pays. Je suis absolument contre l’immigration parce que cela détruit les pays d’accueil et prive les pays d’origine de personnes qualifiées et suffisamment riches pour se payer un billet d’avion jusqu’à Paris. Ben oui, les mecs y vont pas aller en pirogue. C’est à cette classe pseudo-moyenne d’élever le pays et de rester pour le développer. Ce ne sont pas les paysans quasiment illetrés dans les champs qui vont le faire.

    Cette immigration a des effets extrêmement pervers sur le fonctionnement économique. Tous les opérateurs Telcos et banques vous proposent de recevoir de l’argent de l’étranger. Du Western Union, du Xoom, du Tap Tap Send et j’en passe. Mais personne ne se bouge le cul pour que les gens dans le secteur des services puisse se faire payer sans passer par un parcours de combattant ou signer des pactes de vaudou avec le diable et en priant Dieu en même temps pour que le paiement promis par le client arrive à bon port.

    J’ai commencé à écrire il y a plus de 10 ans et en 2016, je me lamentais déjà qu’on ne pouvais pas recevoir Paypal à Madagascar. 7 ans ont passé et rien n’a absolument changé. Le secteur des services à Madagascar a choisi le freelancing low cost et la délocalisation, c’est une merde parce qu’on ne s’enrichira jamais avec ces boulots de négrier 2.0, mais dans le freelancing, le principal mode de paiement est Paypal et nous, on ne peut pas le recevoir. C’est la faute de Paypal qui s’en fout des pays pauvres, mais vu la puissance des banques malgaches et des opérateurs de telcos, ils pourraient inciter à ce que Paypal soit disponible dans le pays. La totalité de ces banques sont étrangères et les opérateurs Telcos appartiennent tous à des intérêts étrangers.

    Pourtant, personne ne se bouge et tout le monde se contente du transfert d’argent parce qu’ils ont davantage de migrants qui alimentent des rentiers inactifs et oisifs plutôt que des bosseurs qui cravachent à chaque jour qui passe. Et après, ça donne des leçons sur le développement et la justice sociale ! Non que l’arrivée de Paypal va révolutionner le secteur et que tout d’un coup, le pays sera riche, mais cela ouvre énormément de portes et une facilité de paiement inimaginable. Le nombre de clients et de services que je ne peux pas utiliser parce que je n’ai pas Paypal avoisine les 90 % des demandes que je reçois.

    Et il y a des pauvres totalement invisibles, ils n’existent que pour des opérations de com. Qu’est-il arrivé aux affamés dans le sud ? Il y a deux ans, on nous montrait une population qui avait davantage de ver ténia dans le corps que de nutriments. Et on nous avait promis de l’eau miraculeuse qui allait arriver par des pipelines afin d’irriger toute cette contrée désertique. Quelqu’un a-t-il des nouvelles où sont-ils tous morts avant que l’eau arrive ? Ce gouvernement est toujours dans la com ou dans la réaction, plein de projets lancés, mais aucun suivi, aucune planification. On plante les graines et on espère que les arbres vont pousser comme par magie.

    Madagascar : Entre crises perpétuelles et espoirs sans lendemain

    Si dans les cartes postales, Madagascar possède une image idyllique, faisant baver les occidentaux qui respirent de la brique à longueur de journée, la réalité est toute autre. Pauvreté, misère, famine, corruption, népotisme, autant de mots qui sont coupables des maux malgaches.

    Houssen Moshinaly

    Rédacteur web depuis 2009 et webmestre depuis 2011. Je suis également un blogueur dans la vulgarisation scientifique et la culture.

    Je m'intéresse à tous les sujets comme la politique, la culture, la géopolitique, l'économie ou la technologie. Toute information permettant d'éclairer mon esprit et donc, le vôtre, dans un monde obscur et à la dérive. Je suis l'auteur de deux livres "Le Basilic de Roko" et "Le Déclin".

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