Crise de Madagascar 2018 : Un nouveau merdier à l’horizon


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  • La nouvelle crise qui se profile à Madagascar en 2018 nous présage un nouveau merdier à l’horizon. On pourrait croire que les choses seront différentes cette fois, mais quand on voit les crétins dans chaque camp, on est déjà foutu.


    La nouvelle crise qui se profile à Madagascar en 2018 nous présage un nouveau merdier à l'horizon. On pourrait croire que les choses seront différentes cette fois, mais quand on voit les crétins dans chaque camp, on est déjà foutu.
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    C’est étrange, j’ai commencé à prendre ma plume en février 2009 pendant la crise de Madagascar où pendant que le pays était dans le chaos absolu avec les pillages et des morts, j’écrivais mon ressenti en tant que blogueur débutant, mais également un citoyen naif qui pensait que la démocratie était un mot important dans le vocabulaire de notre société moderne. 2018, quasiment 10 ans après, de l’eau et des torrents ont coulé sous les ponts et je relis mes anciens articles datant de 9 ans qui montraient une personne suffisamment naive pour croire au changement.

    Depuis le 21 avril 2018 à Madagascar, une nouvelle crise pointe le bout de son nez et cela a commencé par une manifestation sur la Place du 13 mai qui a été réprimé avec 2 morts parmi les manifestants. Tout de suite, cela a donné un prétexte pour les manifestants, menés par les parlementaires de l’opposition, pour demander la démission du président, Hery Rajaonarimampianina, et des principaux chefs du gouvernement et de son parti politique HVM.

    Le bordel commence par les lois électorales

    Si en 2009, la crise avait commencé par la fermeture de médias appartenant au DJ alias Andry Rajoelina, cette fois, c’est le code des lois électorales qui ne passe pas. Selon les députés de l’opposition, ces lois favorisent énormément le pouvoir en place et on ne peut pas le nier, car on dirait que certains articles des lois électorales ont été conçu pour cibler des candidats suffisamment dangereux comme Marc Ravalomanana, l’ex-président, élu légitimement, qui a été expulsé en 2009 par un Coup d’Etat par Andry Rajoelina avec l’aide de l’armée malgache. Car dans l’article 6 de ces lois électorales, on peut lire :

    • Article 6 – Tout candidat aux fonctions de Président de la République, outre les conditions prévues à l’article 46 de la Constitution, doit :
    • être en règle vis-à-vis des lois et règlements relatifs à l’inscription sur la liste
    • électorale et justifier d’une inscription effective sur cette liste;
    • avoir rempli ses obligations fiscales et s’être acquitté de tous les impôts et taxes
      exigibles de toute nature ;
    • n’avoir jamais été condamné pour crimes ou délits ;
    • avoir rempli ses obligations en matière de déclaration de patrimoine, pour toute
      personne concernée.

    Cet article 6 pourrait sembler anodin et tout à fait nécessaire, mais il faut que vous compreniez la politique dans ce pays. Marc Ravalomanana a été condamné pour la tuerie du 7 février 2009 devant le palais présidentiel lorsque des militaires ont ouvert le feu sur des manifestants (l’affaire n’a jamais été tiré au clair), mais Mr Ravalomanana a été condamné par un procès pendant le régime de Rajoelina, autant dire que pour la partialité, on repassera en 2040 ! Ce qui fait que les partisans de Ravalomanana estiment que cet article a but de l’empêcher de se présenter aux élections. Mais l’article 7 est encore pire.

    Marc Ravalomanana

    Marc Ravalomanana

    Le gouvernement au pouvoir a mauvaise presse et l’opinion publique est plutôt partagée. Ce gouvernement n’a pas géré de nombreuses crises qui ont frappé le pays pendant son mandat tels que la gestion des cyclones et la récente épidémie de peste. Et le gouvernement le sait et l’article 7 des lois électorales nous dit :

    Toute candidature à l’élection présidentielle doit être investie par un parti politique légalement constitué ou par une coalition de partis politiques légalement constituée, ou parrainée par une liste de cent cinquante (150) élus membres du Sénat, de l’Assemblée nationale, des conseils communaux, municipaux, régionaux et provinciaux, maires, chefs de Région et chefs de Province provenant au moins de trois Provinces.

    En termes clairs, cela signifie que les prochaines élections malgaches ne seront pas ouvertes aux candidats indépendants. Etant donné que le parti au pouvoir possède une majorité que ce soit au Sénat ou l’Assemblée, s’il y a un candidat indépendant, alors il faut obligatoirement qu’il se rapproche du parti présidentiel. La même chose est valable pour la candidature de Mr Rajoelina et Ravalomanana, car les parlementaires de leurs partis politiques respectifs, le MAPAR et le TIM, n’ont pas suffisamment d”élus pour avoir les 150 parainnages (même si théoriquement, ils peuvent les obtenir).

    Les députés de l’opposition, sentants qu’on leur la mettaient à l’envers, se sont réunis sur la Place du 13 mai pour dénoncer ces dispositions électorales aux citoyens et la manifestation a dégénéré avec les conséquences qu’on connait.

    Des soupçons de corruption des parlementaires

    De plus, ces lois électorales ont été voté sans aucun amendement de l’opposition et pour cause, il fallait une majorité de 76 députés pour adopter les lois et c’est là que la théorie du complot et la corruption se mélangent. Selon les députés de l’opposition, de nombreux parlementaires issus de groupuscules politiques, mais également ceux du parti présidentiel, ont reçu une somme d’argent de 50 millions ariary (environ 15 000 dollars) pour faire passer les lois. On parle également d’une réunion à huis clos dans un hôtel de luxe, le Paon d’Or, où les parlementaires à la botte du pouvoir se sont payé du bon temps.

    Andry Rajoelina

    Andry Rajoelina

    Le principal problème dans cette histoire est que les preuves de ces corruptions manquent cruellement, on voit quelques images ici et là sur Facebook, mais c’est clairement insuffisant pour incriminer quoi que soit. Je pense qu’on plonge en plein fantasme où des méchants ourdissent un complot à grands coups de valises de billets, mais encore une fois, je n’en sais rien et peut-être que c’est vrai. Malgré le fait que les députés de l’opposition prétendent qu’ils ont des preuves irréfutables, on attend encore d’en voir la couleur.

    Des karanas à la manoeuvre dans les coulisses ?

    Cette histoire de corruption, à coups de 50 millions d’ariary, a soulevé un autre fantasme chez les médias locaux et les internautes, adapté de la Vérité Made in Facebook. Que ce serait un karana, (appellation pour un indien) qui aurait financé le pouvoir en place pour qu’il donne ses pots de vin. Le journal Midi Madagascar prétend même que ce Karana aurait donné 30 milliards FMG (environ 1,8 millions de dollars). Mais encore une fois, où sont les preuves ? L’accusation contre les Karanas est une technique très fréquente pour trouver des bouc-émissaires.

    Toutefois, ces accusations sur les Karanas ne sont pas totalement infondées, car pendant la crise de 2009, Rajoelina a eu le soutien de grands opérateurs économiques indiens même si l’histoire des Karanas avec Ravalomanana est plus compliquée que ça. Les indiens ne sont pas un groupe homogène et en général, ils se battent les uns contre les autres pour le monopole économique. Parfois, ils vont soutenir le régime en place et parfois, ils vont soutenir l’opposition.

    Les parlementaires de l’opposition, des parasites qui n’ont pas eu leur valise

    Ce qui est horripilant dans cette histoire est que les députés de l’opposition sont devenu les chantres de la démocratie. Le parti MAPAR, proche de Rajoelina, est légendairement connu pour son incompétence notoire pendant le régime de transition (à cette époque, il s’appelait le parti TGV). Le parti TIM, fidèle à Ravalomana, représente un gouvernement (celui de Ravalomana avant la crise de 2009) qui a échoué à de nombreuses reprises. On ne peut pas nier que Ravalomanana a amélioré la croissance du pays, mais la croissance n’est pas la richesse. Le pays s’appauvrissait pendant que les exportations ont explosé sans oublier les zones franches avec leurs salaires de misère.

    Donc, le pouvoir en place a sans doute des défauts et il y a sans doute aussi beaucoup de corruptions. Mais quel est la putain d’alternative ? Des personnes qui ont commis un Coup d’Etat (le crime le plus grave pour un citoyen d’un pays) et qui ont pillé toutes les forêts de Madagascar pour le bois précieux. Le trafic de ce bois a permis de financer le régime de la transition de Rajoelina à cause des coupures de financements internationales, mais ce trafic avait atteint une telle ampleur que la coupe des forêts était visible de l’espace. Et c’est ça qui vient nous donner des leçons de démocratie ? Notons que le trafic de bois de rose continue jusqu’à aujourd’hui.

    Donc, ceux, qui veulent le retour de Rajoelina au pouvoir, sont des cons patentés. Il va foutre le même bordel et n’oublions pas que le président actuel, Hery Rajaonarimampianina,  a été porté au pouvoir parce qu’il était proche de Rajoelina (le coup de poignard dans le dos est un sport national). Le Coup d’Etat de 2009 et toute la crise qui s’en est suivie, nous ont donné le régime actuel et on veut remettre les mêmes à la place.

    L’autre alternative est Marc Ravalomanana qui bénéficie d’une bonne popularité ces derniers temps. Mais malin comme un singe, il évite de se mouiller dans la confrontation actuelle entre les députés de l’opposition et le pouvoir en place. Il est évident qu’il veut garder ses billes entièrement propres pour être un candidat aussi irréprochable que possible. Le match de la présidentielle, si le parti au pouvoir est neutralisé, se jouera entre Rajoelina et Ravalomanana et l’issue est incertaine. On peut reprocher beaucoup de choses à Marc Ravalomana (notamment sa tendance de népotisme quand il était au pouvoir), mais depuis qu’il a été expulsé du pouvoir, il a toujours suivi les règles et le droit en vigueur.

    Le point commun de tous ces personnes qui veulent changer les choses est qu’ils ont déjà été au gouvernement, certains présidents ou ministres et on est toujours l’un des pays les plus pauvres du monde avec une corruption et des magouilles qui sont systématiques. Comment peuvent-ils même protester alors qu’ils n’ont rien foutu pendant qu’ils étaient au pouvoir ?

    L’appel à la démission du gouvernement est une stupidité cadavérique

    Ces députés de l’opposition appellent à la démission du président et des principaux chefs du gouvernement. Vous êtes sérieux les mecs ? A quelques mois des élections présidentielles, les mecs veulent créer une nouvelle crise. Vu la personnalité de Hery Rajaonarimampianina, il serait étonnant qu’il démissionne de son propre chef et cela va encore retarder les élections et une sortie de crise de plusieurs années.

    Quelqu’un, qui appelle à la démission, lance un ultimatum plutôt qu’un appel au dialogue. Le pouvoir en place a déjà fait comprendre qu’il est ouvert au dialogue et si les lois électorales, point de départ de la crise, sont modifiés, alors je ne vois aucun intérêt à la démission d’un gouvernement qui a été élu de manière légitime.

    La neutralité de l’armée, un changement bienvenu

    A chaque fois qu’il y a une crise, c’est l’armée qui a résolu le problème. En 2002, c’est l’armée qui a aidé Ravalomanana à casser les blocages mis en place par Didier Ratsiraka, en 2009, c’est l’armée qui a aidé Rajoelina à prendre illégalement le pouvoir, mais en 2018, l’armée a fait la déclaration suivante : Débrouillez-vous entre vous, nous, on va boire un café !

    L’armée affirme sa neutralité dans cette crise et selon elle, elle ne prendra pas parti pour un camp ou l’autre. Mais elle interviendra pour protéger les biens et les personnes, car toute manifestation “pacifique” est souvent un prétexte au pillage généralisé. Si l’armée tient sa promesse de neutralité, alors cela peut amener un vrai changement. Mais l’opposition a appelé à la grève générale pour bloquer le pays et il faudra voir la réaction du pouvoir en place.

    La France dans les coulisses de la nouvelle crise malgache de 2018 ?

    Pendant la crise de 2009, la complicité de la France, à l’égard du Coup d’Etat, a été manifeste. Et quand il y a eu ces nouvelles manifestations, organisées par des députés du MAPAR en avril 2018, certains observateurs ont estimé que la France remet son grain de sel. Mais je suis sceptique pour plusieurs raisons. D’une part, la France de Macron est totalement nulle en diplomatique étrangère et franchement, Macron a d’autres chats à fouetter plutôt que foutre le bordel dans le coin. Toutefois, des élites malgaches ont des liens très étroits avec une partie de la classe politique française et ce ne serait pas étonnant qu’il y a des trucs qui se trament dans les coulisses.

    Je pense que cette manifestation du 21 avril 2018 a dérapé et que le pouvoir en place a préféré tirer plutôt que de réfléchir un tant soit peu. Tout dépendra de l’évolution de la crise dans les prochaines semaines mais moi, je prédis un nouveau merdier à l’horizon, car ceux, qui protestent contre le pouvoir, n’ont eu aucun problème à se remplir les poches ces dernières années et ils n’ont pas fait mieux lorsqu’ils étaient au gouvernement. Et l’impact économique est s’en ressent dès maintenant, car le secteur touristique est déjà foutu et il va être totalement décapité si cela empire. Le pouvoir en place joue évidemment le pourrissement de la situation, car il pense que les esprits vont se calmer au fil du temps. Tout dépendra de l’intelligence des deux cotés, mais pour moi, cette nouvelle crise va mettre le pays définitivement sur le tapis.

    Madagascar : Entre crises perpétuelles et espoirs sans lendemain

    Si dans les cartes postales, Madagascar possède une image idyllique, faisant baver les occidentaux qui respirent de la brique à longueur de journée, la réalité est toute autre. Pauvreté, misère, famine, corruption, népotisme, autant de mots qui sont coupables des maux malgaches.

    Houssen Moshinaly

    Rédacteur web depuis 2009 et webmestre depuis 2011. Je suis également un blogueur dans la vulgarisation scientifique et la culture.

    Je m'intéresse à tous les sujets comme la politique, la culture, la géopolitique, l'économie ou la technologie. Toute information permettant d'éclairer mon esprit et donc, le vôtre, dans un monde obscur et à la dérive. Je suis l'auteur de deux livres "Le Basilic de Roko" et "Le Déclin".

    Pour me contacter personnellement :

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