Madagascar : L’échec de la politique intérieure du gouvernement Rajoelina


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  • Malgré des promesses grandiloquentes et une communication soignée, le régime d’Andry Rajoelina se démarque par un échec magistral dans la politique intérieure.


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    Pendant la crise du Covid, j’ai toujours tenté de défendre le régime d’Andry Rajoelina et il a eu raison sur de nombreux points. Mais sur la politique intérieure, j’ai rarement vu un tel désastre dans ce pays depuis très longtemps. Bien sûr, les inaugurations s’enchainent et de nouvelles routes voient le jour, mais comme le dit le proverbe, ce serait tellement facile si on pouvait manger les routes.

    Mais quand on regarde les indicateurs du pays, alors ils sont tous systématiquement dans le rouge. On a une dette par rapport au PIB de 46 % en 2021 contre 43 % en 2020. La production rizicole est de 4 millions de tonnes pour 2021/2022 alors qu’elle était en moyenne de 4,5 millions de tonnes les années précédentes. Cela signifie que l’année prochaine, nous devrons importer 1 million de tonnes pour combler les 5 millions de tonnes de la consommation malgache. Comment la production rizicole a-t-elle pu chuter à ce point alors qu’on nous vante le turbo mis par le gouvernement dans l’agriculture ? C’est très simple, c’est de la com !

    L’agriculture aurait dû être le premier chantier du gouvernement et il ne le fait timidement qu’en fin de mandat. Et on a des initiatives tout aussi moisies les unes que les autres. Nous avons 40 millions d’hectares cultivable et nous en cultivons que 4 millions. C’est logique de crever de faim quand on ne cultive que 10 % de sa surface agricole.

    Et évidemment, il y a l’énorme zébu maigre dans la chambre avec l’énergie. Je suis né dans ce pays et cette année, je vais fêter ma 40e année et je n’ai jamais vu des délestages qui durent pendant toute une année. Même pendant la crise de 2002 lorsqu’il y avait des barrages à Tamatave et Brickaville et où le carburant était rationné, je n’ai pas connu des délestages qui pourrissaient à ce point la vie quotidienne.

    Et à chaque fois, on nous sort encore des excuses. C’est du sabotage, c’est à cause de la sécheresse, c’est la faute à pas de chance. Ce n’est jamais la faute du gouvernement.

    C’est sûr que les ministres qui entourent Rajoelina ne brillent pas par leur intelligence, ni leur force de caractère. Ce sont principalement des béni-ouioui qui n’osent jamais critiquer des décisions à la con. On a eu quand même des ministres des affaires étrangères comme Patrick Rajoelina qui nous sortaient le “vivre ensemble” et la diaspora malgache à tout bout de champs. Diaspora au passage qui méprise son pays d’accueil pour des motifs débiles de décolonisation et qui n’hésite pas à mépriser son pays d’origine dès que l’occasion se présente.

    Mais la faute en revient aussi à Andry Rajoelina, car c’est lui qui a décidé d’incarner le modèle de l’hyper-présidence et à chaque fois qu’il y a un gros échec dans les ministères, c’est lui qui devient la tête de turc.

    Cette manie de trouver des excuses devient insupportable avec des coupures d’électricité qui durent plus de 3 heures par jour. En sachant que cela vient suite à une restructuration profonde de la Jirama qui a cessé d’être un service public. Oui et ça, c’est le grand changement de bord d’Andry Rajoelina, car il a tout misé sur la Banque Mondiale et le FMI.

    Je l’ai déjà dit à plusieurs reprises, mais ces deux institutions n’ont jamais développé un seul pays dans le monde. Elles font de la perfusion, dérégulent complètement les secteurs, détruisent l’Etat de l’intérieur pour vendre le pays aux multinationales étrangères. Demandez donc aux grecs ce qu’ils en ont pensent !

    Les pays, qui ont pu se développper, sont ceux qui ont quitté la Banque Mondiale et qui se sont financé par leurs propres moyens. On va me dire que c’est facile à dire, mais où trouver le pognon. Les gens ont oublié qu’on possède un petit truc appelée la Banque Centrale qui peut créer de l’argent. Dans la plupart des pays un peu sensés, c’est la Banque Centrale qui finance une grande partie des infrastructures combinés à des investissements directs étrangers. Mais la Banque Centrale malgache est orthodoxe dans le sens où son seul rôle est de stabiliser la monnaie ce qui n’est clairement pas une réussite quand on voit que l’ariary est l’une des pires monnaies au monde.

    En temps normal, l’Etat demande à la Banque Centrale d’imprimer tout l’argent nécessaire à son fonctionnement ce qui nous évite de mendier auprès de telles ou telles institutions internationales. Ensuite, cet emprunt est remboursé par le circuit du Trésor qui a notamment été utilisé par la France pour reconstruire le pays et avoir sa formidable croissance dans le années après la Seconde guerre mondiale. Quand on voit le succès de la France à cette période, on peut penser que cela marche. Et surtout, contrairement aux économistes débiles, il n’y a pas de risques d’inflation, car tous les emprunts de l’Etat étaient supervisés par le Parlement pour éviter le gaspillage.

    On nous dit aujourd’hui que la Réserve Fédérale Américaine et la Banque Centrale Européenne sont responsables de l’inflation mondiale et c’est vrai. Mais la différence est que cet argent a simplement gonflé les marchés financiers sans rien apporter à l’économie réelle et aujourd’hui, nous le payons cash.

    Et à chaque fois qu’on tente de réformer notre Banque centrale, tous les débiles nous disent qu’elle doit rester indépendante. Mais posez-vous la question. Indépendante vis à vis de qui ? La réponse est le peuple ! La Banque Centrale ne veut rien de devoir au peuple et elle veut obéir à une orthodoxie monétaire qui n’a plus aucun sens par les temps qui courent.

    Quand Madagascar a commencé à prendre massivement du fric auprès de la Banque Mondiale, celle-ci a exigé immédiatement des “réformes”, qui sont en réalité des destructions du service public. Le meilleur exemple est le système Optima de la Jirama qui est un plan tarifaire variable selon votre consommation. En gros, vous payez moins si vous êtes pauvre et plus si vous êtes riche. Sur le papier et les tableaux Excel de la Banque mondiale, cela parait de “l’équité” comme disent ces débiles, mais c’est exactement l’inverse.

    Le principe d’un service public est que le même service doit être fourni à tout le monde, riche et pauvre, pour le même prix. C’est la base, car si vous faites des prix variables, alors vous faites de la discrimination des citoyens. C’est comme si sur l’eau, ceux qui payent les tranches les moins chères, ont accès à de l’eau de moins bonne qualité. C’est aussi con que ça, mais surtout, cela crée des effets pervers qui vont juste détruire le train de vie de la population.

    Car les entreprises malgaches ont annoncé que cet Optima de merde a augmenté leur cout d’électricité de 100 % et évidemment, ils répercuteront cette hausse sur les produits. Ce qui fait que quand vous dites qu’Optima bénéficie aux pauvres, c’est de la com, car cette réduction, ils la paieront par une inflation de 100 % sur leurs produits quotidiens. Et si vous ajoutez à cela les importations de produits qui bénéficient d’un cout énergétique bien moindre dans d’autres pays, alors vous avez une concurrence déloyale maximale. Merci les mecs de la Banque Mondiale, vous brillez une fois de plus par votre connerie.

    Ensuite, on a le carburant. On nous annonce un prix des taxi-be à 1000 ariary, soit 100 % d’augmentation. Je connais aujourd’hui des gens qui vont à leur boulot à pied avec un tarif de 500 ariary et les mecs, tranquillement, veulent encore le doubler. Cette hausse des carburants et des prix du transport va encore aggraver l’inflation qui est insupportable. L’huile a pris 120 %, le riz a pris 50 %, le sucre a pris 45 %, la farine a pris 35 % et donc considérez qu’avec cette nouvelle hausse, que tous les PPN vont doubler ou tripler dans les prochaines semaines. Et dans ce contexte que le gouvernement Andry Rajoelina nous dit que le pays se développe !

    Ensuite, le régime Rajoelina a fait un virage à 180 degrés sur sa géopolitique. Le régime précédent d’Hery Rajaonarimampianina était connu pour pencher du coté de la Chine et on le voit avec les nombreux investissements du dragon dans ce pays. Andry Rajoelina n’est pas hostile vis à vis de la Chine, mais il a clairement pris ses distances. Il a choisi un alignement pro-occidental qui risque de mener le pays à sa perte.

    D’une part, l’Amérique est sujet à une profonde crise intérieure et vu la gestion du pays par Biden, alors on peut considérer que les élections de la mi-mandat va créer un tsunami des républicains. Et ces derniers vont revenir au pouvoir pendant plusieurs décennies tellement les américains auront marre des démocrates. Ce qui fait que la politique étrangère américaine peut changer tous les deux ans et ce n’est pas sérieux pour des relations géopolitiques sur le long terme.

    Ensuite, Madagascar rate complètement le coche de faire partie du nouveau monde qui arrive avec l’Asie et la Russie qui en sont les principaux flambeaux. Le monde sera multipolaire avec plusieurs blocs qui vont se former. Certes, nous avons de bonnes relations avec l’Inde ou le Japon, mais l’Inde est surtout confronté à des difficultés intérieures et le Japon est un vassal de l’Occident. Et nous pendant ce temps, comme des petits soldats, nous allons nous prosterner devant les Américains et les Européens qui sont davantage proches du cimetière qu’autre chose.

    Oui, le constat sur la politique intérieure d’Andry Rajoelina est amer, car quand on regarde les 4 dernières années, on n’a pas vu un seul projet qui a abouti. On n’a que des embryons qui datent à démarrer, car il ne suffit pas de donner l’impulsion initiale, mais avoir une vraie planification. Par exemple, le CVO, qui est le remède contre le Covid, était une excellente pensée politique. Mais Pharmalagasy, l’entreprise qui a crée ce médicament, n’a rien fait depuis. Il faut l’accompagner pour créer des médocs issus de la pharmacopée traditionnelle pour lutter contre toutes les maladies et ainsi baisser le prix des soins qui sont exorbitants dans le pays.

    Concernant l’industrialisation, on a des initiatives timides qui sont insuffisantes pour combler le manque colossal d’infrastructures dans ce pays. Une usine de farine, celle pour le sucre. On a aussi une usine pour l’abattage de la volaille et j’ai vu aussi passer des petites unités pour fabriquer de l’huile. Tout ça est très bien, mais c’est mettre la charrue avant les boeufs. Si on n’a pas une production agricole conséquente, alors nous devrons importer les matières premières et ce sera encore la même merde.

    Il faut que le pays balance tous ses efforts pour faire sa révolution agricole et ensuite, les usines apparaîtront d’elles-mêmes pour traiter les matières premières. Mais là encore, il y a un manque cruel de planification. On a lancé la production locale de sucre lorsqu’on a vu que c’était la cata dans les importations. Gouverner, c’est prévoir, Andry Rajoelina l’a dit à plusieurs reprises, mais maintenant, il faut planifier, planifier et planifier.

    Toutefois, il y a deux bonnes notes sur le gouvernement Rajoelina. La première est qu’il a tenu bon en refusant l’obligation vaccinale. Et rien que pour ça, il mérite mon vote pour les prochaines élections. Car quand on voit la folie vaccinale en Occident avec une discrimination totale des citoyens, on se dit qu’on l’a échappé belle. On murmure qu’il a refusé cette obligation vaccination pour des motifs religieux, mais je m’en fous, car il nous a épargné cette folie absolue. Même si ces derniers temps, les médias et autres agents de l’étranger alimentent une épidémie à Madagascar pour que tout le monde ait sa piquouse.

    Ensuite, la position de Madagascar sur la guerre en Ukraine a été remarquable. Malgré le quasi chantage des chancelleries occidentales, le pays s’est abstenu de voter contre la Russie parce que fondamentalement, les ukrainiens, on s’en tamponne le coquillard. De nombreux pays africains ne sont pas également tombé dans le panneau et c’est une bonne chose. Car malgré le forcing de l’Occident, l’Afrique tente de trouver sa propre voie.

    Mais sur la politique intérieure, il faut qu’Andry Rajoelina nous sort une belle victoire. Car l’énergie, l’inflation, l’insécurité, les délestages sont autant de couches de merde qui créent actuellement un mille-feuille qui sera explosif pendant les prochaines élections. Les opposants ne vont pas se gêner pour le dézinguer dans tous les domaines où il a échoué.

    Madagascar : Entre crises perpétuelles et espoirs sans lendemain

    Si dans les cartes postales, Madagascar possède une image idyllique, faisant baver les occidentaux qui respirent de la brique à longueur de journée, la réalité est toute autre. Pauvreté, misère, famine, corruption, népotisme, autant de mots qui sont coupables des maux malgaches.

    Houssen Moshinaly

    Rédacteur web depuis 2009 et webmestre depuis 2011. Je suis également un blogueur dans la vulgarisation scientifique et la culture.

    Je m'intéresse à tous les sujets comme la politique, la culture, la géopolitique, l'économie ou la technologie. Toute information permettant d'éclairer mon esprit et donc, le vôtre, dans un monde obscur et à la dérive. Je suis l'auteur de deux livres "Le Basilic de Roko" et "Le Déclin".

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