Îles Éparses : Un nœud gordien entre la France et Madagascar


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  • Le litige sur les îles Éparses entre la France et Madagascar date de plusieurs décennies. Et ces îles inhabitées sont un véritable nÅ“ud gordien que ce soit sur le plan économique, géopolitique et stratégique.


    Le litige sur les îles Éparses entre la France et Madagascar date de plusieurs décennies. Et ces îles inhabitées sont un véritable noeud gordien que ce soit sur le plan économique, géopolitique et stratégique.
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    La discussion des îles Éparses et le litige entre Madagascar et la France reprennent de plus belle ces derniers temps. La déclaration du président Macron et du président Rajoelina a comme qui dirait jeté un pavé dans la mare. Il est important de contextualiser un peu tout ce merdier et comprendre que les îles Éparses sont avant une récupération symbolique.

    Les Îles Éparses très éparpillées

    Les îles Éparses sont constituées de plusieurs îles réparties dans l’Océan Indien. Madagascar revendique 2 îles qui sont Juan de Nova et Europa. Les Glorieuses sont un mini-archipel composé de 2 îles. On a également l’île Tromelin dont l’appartenance est revendiquée par l’île Maurice.

    Europa dans les îles Éparses - Crédit : TAAF

    Europa dans les îles Éparses – Crédit : TAAF

    Le coeur du problème est qu’à l’époque de la colonisation, la France a rattaché les îles Éparses à Madagascar. Et donc techniquement après l’indépendance, le pays aurait dû retrouver l’intégralité de son territoire colonisé incluant les îles Éparses.

    Même si c’est plus compliqué que ça, car les négociations sur l’indépendance ont été très difficiles et chaotiques, mais cela se résume au fait que ces îles éparses (les 2 en tout cas), selon le statut de l’indépendance, mais également des décisions de l’ONU, appartiennent légitimement à Madagascar.

    Pagaille dans la souveraineté des îles Éparses

    Une partie de la droite française estime que Madagascar n’a aucune légitimité sur ces îles Éparses, car elle ne les a jamais eues à la base. Ben ouais, si avec des magouilles politiciennes françaises, Madagascar s’est fait piquer ces îles Éparses, alors ce serait très très stupide de dire que Madagascar ne les ait jamais eues. Une autre objection est que les îles Éparses n’ont jamais été habitées par des Malgaches ce qui fait que le droit d’appartenance lié au sol est plus que faible.

    Juan de Nova dans les îles Éparses - Crédit : V. Duvat Magnan

    Juan de Nova dans les îles Éparses – Crédit : V. Duvat Magnan

    Le droit du sol est une vieille pratique coloniale et ne peut être utilisé pour déterminer l’appartenance à notre époque moderne. Mais si on regarde la proximité géographique, Madagascar, mais également la Réunion pouvait revendiquer l’appartenance. Donc, oui, c’est compliqué, mais pour nier la souveraineté malgache, il aurait fallu ne pas les rattacher au pays pendant la colonisation. La Gazette de la Grande ÃŽle a fait un article très complet sur l’histoire de ces îles et sur l’indépendance de Madagascar.

    L’affection des îles Éparses pour Charles de Gaulle

    Cette droite française, qui fantasme toujours sur sa colonisation, ne comprend pas que les décisions des présidents Macron et Rajolelina sont dans la ligne droite de l’ONU. Dire que Macron veut céder les îles Éparses parce qu’il n’aime pas la France revient à dire que la France n’a jamais quitté sa mentalité coloniale. La partie gaulliste de cette droite a tendance à sanctifier tout ce qu’à fait Charles de Gaulle.

    Geyser dans Juan de Nova dans les îles Éparses - Crédit : Grilhe

    Geyser dans Juan de Nova dans les îles Éparses – Crédit : Grilhe

    Et ce bon vieux Charles s’est fait un point d’honneur à ne jamais donner les îles Éparses à Madagascar. La principale raison est pour que CDG, la priorité à l’époque était la maîtrise de la puissance nucléaire. Et les îles Éparses étaient envisagées pour des essais atomiques. Je pense qu’en 2019 et au-delà, la question des essais atomiques est dans la cave des vieilles lubies des grandes puissances. CDG n’aurait pas trop de problème à rétrocéder ces îles à la Grande Ile.

    Les ressources scientifiques et halieutiques

    Ensuite, les ressources des îles Éparses. Parce qu’on pourrait le dire, quel est l’intérêt de se battre comme des chiffonniers sur des îles qui sont inhabités et dont le développement urbain est plus qu’hypothétique ? On a déjà une importance scientifique. Dès 2010, on a eu une mission de l’Ifremer qui a cartographié les importances scientifiques de ces îles. Et on a une volonté de les préserver de toute interaction humaine.

    Les Glorieuses dans les îles Éparses - Crédit : Gelabert 2008

    Les Glorieuses dans les îles Éparses – Crédit : Gelabert 2008

    Mais le Sénat français donne un autre son de cloche, car même si l’aspect scientifique est mentionné, c’est surtout la ZEE (Zone économique exclusive) qui est mise en avant avec les ressources de la pêche. Une ZEE permet à un Etat d’exercer sa souveraineté sur une zone économique qu’elle soit maritime ou terrestre même si c’est les zones maritimes qui sont vraiment concernées. Sur les îles Éparses, la superficie de la ZEE couvre plus de 635 664 kilomètres carrés ce qui attire bien des convoitises.

    Du pétrole, du gaz et du fer pour “Une nouvelle Mer du Nord”

    Dans les années 2000, il y a eu des explorations pour déterminer les ressources dans le sous-sol du canal du Mozambique. De nombreux Malgaches fantasment sur ces ressources. Mais il faut pondérer. Les îles Éparses ne représentent que 30 % du canal du Mozambique en termes de superficie maritime. Mais si vous avez une ZEE sur 30 % de pétrole, de gaz et de minerais, alors on comprend l’excitation autour de ces îles.

    Bassa de India dans les îles Éparses - Crédit : Marine Nationale

    Bassa de India dans les îles Éparses – Crédit : Marine Nationale

    Selon un rapport du Centre d’Études Stratégiques de la Marine, ce sous-sol du canal du Mozambique posséderait de 6 à 12 milliards de barils de pétrole et de 3 à 5 milliards de mètres cubes en gaz. Avec un prix du baril de pétrole oscillant de 40 à 50 dollars, cela fait un sacré pactole. Quand ces explorations ont eu lieu, on a parlé de “Nouvelle Mer du Nord”.

    On a également le métal avec ce qu’on appelle des nodules polymétalliques qui sont des accrétions de manganèse, mais qui peuvent aussi donner du nickel, du cobalt ou du nickel. Ces nodules se chiffreraient en milliards de tonnes. Mais il ne faut pas fantasmer sur le fait que Madagascar devienne un pays de pétro-dollars. Car toutes ces ressources sont à grande profondeur.

    Et comme je l’ai souvent dit, si le gaz et le pétrole étaient extractibles à des prix convenant au marché, alors on serait déjà en train de creuser. Dans le futur, il est certain que beaucoup de gens vont se bousculer dans le canal du Mozambique et donc, sur les îles Éparses. Si on regarde ces ressources stratégiques, la France serait bien idiote de laisser ces îles, donc, elle risque de nous concocter une petite magouille politicienne qui lui permettra de préserver son emprise, même en souterrain.

    Un futur incertain sans des accords bilatéraux solides

    Des entreprises comme Exxon, Total ou ENI sont déjà présentes, prêtes à bondir si la technologie d’extraction se développe. Et que le noeud gordien de l’appartenance des îles Éparses soit définitivement tranché.

    Ensuite, on a le trafic maritime. Avec la route du Sud qui est de plus en plus empruntée et la fonte de la banquise, le canal du Mozambique va gérer environ 30 % du trafic mondial dans les prochaines années. Cela en fait un emplacement stratégique, géopolitique et économique.

    Parmi toutes les solutions proposées, les négociations bilatérales sont les plus intéressantes. Si on passe par l’ONU ou une autre organisation et demander un jugement “équitable”, alors chaque camp aura sa définition d’équitable. Et on reviendra au même point. Pour de nombreux Malgaches, les îles Éparses sont surtout une question d’appartenance symbolique. La France a fait le sagouin pendant les négociations sur l’indépendance de la Grande Ile dans les années 1960 et il ne faut pas que le passé se répète.

    La Nouvelle Route de la Soie peut débarquer dans les îles Éparses

    Ce n’est pas forcément lié aux îles Éparses, mais Madagascar est une pièce importante dans la Nouvelle Route de la Soie. C’est le projet le plus important de la Chine pour son avenir. Madagascar ne sera pas un pilier central, mais parmi les investissements chinois qui sont prévus, on a la construction d’un port en eau profonde à Narinda dans le nord-ouest de Madagascar.

    Ce port, s’il est concrétisé, fera directement face au Canal de Mozambique… Quelle coincidence. Les Etats-Unis sont contre la Nouvelle Route de la Soie et la France est un de leurs proxys dans cette bataille. Les îles Éparses pourraient être un motif fallacieux pour réduire la présence chinoise dans l’Océan Indien.

    Il ne faut pas oublier que Madagascar est le pays africain le plus proche de la Chine pour des routes maritimes directes entre les deux pays. Dans une interview il y a quelques années, le ministre chinois des affaires étrangères avait considéré que Madagascar va servir de pont entre l’Afrique et la Nouvelle Route de la Soie. Toutefois, cela dépendra de la capacité de développement de Madagascar. Pour sa route de la soie, la Chine mise principalement sur des pays très stables avec des structures économiques et politiques assez robustes.

    Madagascar : Entre crises perpétuelles et espoirs sans lendemain

    Si dans les cartes postales, Madagascar possède une image idyllique, faisant baver les occidentaux qui respirent de la brique à longueur de journée, la réalité est toute autre. Pauvreté, misère, famine, corruption, népotisme, autant de mots qui sont coupables des maux malgaches.

    Houssen Moshinaly

    Rédacteur web depuis 2009 et webmestre depuis 2011. Je suis également un blogueur dans la vulgarisation scientifique et la culture.

    Je m'intéresse à tous les sujets comme la politique, la culture, la géopolitique, l'économie ou la technologie. Toute information permettant d'éclairer mon esprit et donc, le vôtre, dans un monde obscur et à la dérive. Je suis l'auteur de deux livres "Le Basilic de Roko" et "Le Déclin".

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