Covid-19 à Madagascar : un confinement joyeux ?

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  • #20191
    Houssen Moshinaly
    Maître des clés

    Cet article a été publié le 9 avril 2020, les informations peuvent être obsolètes.

    Il y a quelques semaines, autant dire qu’il n’y a pas foule dans les rues pendant la nuit, comme lorsque les Bareas s’étaient illustré pour la CAN, quand on a annoncé que le confinement allait durer 15 jours de plus. Un silence mortel et bien énervant s’est abattu et même que d’autres villes du pays étaient maintenant concernés. Le prolongement a été justifié, car le nombre de cas a quasiment doublé, passant à 92 selon les dernières statistiques.

    92, me direz-vous, sur une population de 22 millions d’habitants, c’est riquiqui, pourquoi tant de panique à bord ? Il y a 92 cas parce qu’il y a peu de tests. Et on doit l’admettre, le gouvernement fait ce qu’il peut avec les moyens qu’il a. J’ai vu qu’il y avait des descentes dans les quartiers les plus touchés pour faire des tests systématiques. C’est la seule solution miracle contre cette merde, faire des tests à très grande échelle, mais déjà que les pays se battent pour avoir des masques, alors des tests pour tout le monde, on en aura quand l’épidémie ne sera plus qu’un souvenir lointain.

    . Le gouvernement malgache suit l’exemple de la Corée du Sud et c’est une bonne chose, mais à ce que je sache, la Corée du Sud n’a fait aucun confinement, mais uniquement des tests à grande échelle et le retraçage des contacts. Toutefois, sur de nombreux points, on sent que Madagascar s’inspire de la Chine. Les comités Loharano, qui sont des petites structures, qui peuvent intervenir dans chaque quartier, s’inspirent des Juweihui, des comités de quartier créés en 1950 et réactivés pour l’épidémie en Chine.

    Désormais, le gouvernement rend obligatoire les masques. Et si vous n’en portez pas, alors vous risquez de faire des travaux d’intérêts général. L’OMS a fait vraiment un travail de sagouin en étant très hésitante sur les masques. Aujourd’hui, à Madagascar, tout le monde ou presque, a l’habitude de les porter.

    Les masques les plus efficaces sont connus comme les masques FFP2 (filtrant 95 % des particules suspendues dans l’air) ou FFP3 (filtrant 99 % des particules), mais leur prix est plus autour de 20 000 ar la pièce et ils sont jetables.

    L’impact économique de ce confinement sera désastreux à plus d’un titre. Alors que je passais mon temps mort à regarder des vidéos de gens sur Youtube, annonçant la fin du monde dans deux semaines, je tombe sur une vidéo de Christian Combaz, journaliste à son époque et désormais publiant des vidéos avec le parlé bien perché sur la chaine Campagnol. Il donne toujours le point de vue, avec une nuance théatrale, de la vie villageoise avec de l’analyse politique.

    Même s’il parle de la France, l’analyse peut être extrapolée à tous les pays, surtout ceux qui sont pauvres. Il estime qu’il y a une partie de la population qui est totalement invisible. Ils sont tellement déconnectés du système qu’ils ne sont inscrits nulle part. Et ils vivent de petits boulots en petits boulots, échangeant uniquement du cash et ces petits boulots représentent une grande partie de leurs revenus. S’inspirant du cyclone Katrina qui avait balayé le Bayou de la Louisiane, on avait soudainement découvert des milliers d’ultra-pauvres, des gens tellement paumés par le système qu’ils n’avaient même pas d’actes de naissance.

    A Madagascar comme dans tous les pays pauvres, cette partie invisible de la population se compte par millions. Des êtres qui naissent au milieu de nulle part et qui vont et viennent selon les boulots disponibles. Par exemple, j’avais une domestique qui venait quelques fois par semaine pour quelques heures de boulot.

    Et donc pour elle, rien ne change, confinement ou pas, et il y a quelques jours, elle me dit qu’elle repart à la campagne, car à coté de son boulot partiel chez moi, elle lavait aussi le linge à la rivière. Et avec le confinement, eh bien, il n’y a plus de trop de linge. Et des milliers de gens sont repartis dans les zones rurales en attendant que la tempête de la solitude passe. Ca m’a surpris et j’ai fait le lien avec la vidéo de Combaz. Ce ne sont pas des gens délaissés, mais carrément invisibles. Ils n’existent nulle part sur le plan juridique et donc, on gère la crise sans en tenir compte.

    Quand la poussière du Covid-19 sera retombé, je peux vous garantir que de nombreux commerces, fermés depuis 3 semaines, ne réouvriront pas, de nombreux employés resteront absents, car dans un pays pauvre, le flux est toujours tendu. Le moindre aléa de la vie casse tout le rythme. Le gouvernement et le secteur privé donne quelques sacs de riz ici et là, mais ce n’est pas quelques kilos qui vont changer quoi que ce soit. Ici, il faudrait nourrir, loger et soigner des millions de personnes en même temps pendant des semaines alors qu’on ignore même qu’ils existent. Hercule a eu des travaux plus faciles.

    Comme les transports en commun ne fonctionnent plus, qui va indemniser les chauffeurs, les receveurs, les taxis sont aussi à l’arrêt. Et c’est un vrai souci que cette classe qui a émergé à Tananarive et dans les grandes villes. Une classe occidentalisée, faisant ses courses au Leader Price comme les Vazahas, allant dans les restaurants chics, achetant des téléphones de milliers d’euros et suivant les conseils de quelques organisations internationales dont les membres n’ont connus la pauvreté qu’en lisant les Misérables de Victor Hugo. La population la plus pauvre, invisible, sera la plus touchée par cette crise alors qu’elle lui est tombé dessus sans crier gare.

    Il semble que tous les 10 ans, un démon venu de l’océan, vient foutre la pagaille dans ce pays. Il y a 10 ans, on se prenait le Coup d’Etat de 2009 et 10 ans de crise s’ensuivirent. Accaparation des terres, trafic de bois de rose, saloperies en toute genre. Depuis 2018, on sortait la tête hors de l’eau, les entreprises repartaient à la hausse et BAM, une grippe chinoise vient nous emmerder et on peut espérer qu’on ne mettra pas 10 ans à s’en remettre.

     

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